Noël entre Shiva et « Djeesus » !

Hanuman. Petit hâvre de paix à quelques kilomètres seulement de la bruyante, polluée et prospère ville d’Hospet, connue pour ses entreprises sidérurgiques florissantes. A peine sortis de la ville et approchant Hampi, le contraste est saisissant :nous longeons des rizières au vert éclatant, apercevant déjà de nombreux temples sur fond de formations rocheuses créées par l’érosion, qui donne au paysage une sérénité inattendue.

Ici, nous ferons une pause décibélique dans une petite hutte entourée de palmiers et singes au pied du temple d’Hanuman. Bien qu’il s’agisse d’une région touristique, quelques petites déviations de trajectoire suffisent parfois pour se retrouver seuls au milieu de ces temples, dont certains sont superbement conservés. Site protégé par l’UNESCO, nous apprenons que l’organisation tente toujours de préserver les vestiges du site et que la plupart des familles opérant des « guest house » devraient se voir contraintes de déménager d’ici quelques années.

Les photos ne rendent pas justice au site. Elles offrent néanmoins un aperçu de notre passage dans l’ancienne ville de Vijayanagar, appelée à devenir au 15e siècle l’un des empires hindous les plus influents de l’histoire indienne.

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Si on nous avait demandé où nous pensions passer Noël cette année, nous n’aurions jamais pensé vous répondre : dans une église protestante avec 600 indiens !

Arrivés dans la ville d’Hosadurga le 24 au soir, nous repérons l’église. Nous sommes accueillis par le pasteur, sa mère et sa femme. Sapin de Noël, guirlandes illuminées, on s’y croirait presque à ceci près qu’il fait 25 degrés et que nous sommes sous les cocotiers ! Le jour de Noël, nous sommes invités à assister à la célébration, appelée ici une « function ». Avant le début du spectacle, François observe les hommes préparer le repas. Le poulet est au menu (comme de coutume lors des grandes occasions) : 50 kilos de poulet, 60 kilos de riz et… 5 kilos d’épices! Puis, les familles arrivent, toutes « sur leur 36 » pour l’occasion (ou sur leur 31 c’est selon). Les enfants se ruent vers nous, excités et souhaitant tous nous serrer la main.

La célébration débute avec des chants repris en chœur par les 600 participants qui tapent dans leurs mains et balancent leurs bras dans les airs. Puis, on laisse la place aux enfants, hommes et femmes déguisés pour l’occasion qui interprètent chansons, danses et scénettes bibliques de Noël. Un Père Noël anorexique s’amuse à débouler sur la scène à l’improviste. Le spectacle se clôt avec deux scènes mémorables. La première consiste en la reconstitution d’une scène diffusée sur internet par un groupe aux États-Unis et appréciée du pasteur. Des hommes montent sur la scène tour à tour, portant autour du cou une inscription représentant l’un des sept péchés capitaux. Chacun leur tour, ils entraînent dans leurs tentacules le pauvre croyant qui semble au bord du précipice quand Jésus s’interpose pour le sauver de ces démons. La scène est jouée avec toute l’émotion et le « drama » dont peuvent faire preuve les Indiens!

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La deuxième scène est une chorégraphie de danse interprétée par quelques fidèles de la communauté, dont nous estimons l’âge entre 30 et 45 ans. Imaginez-vous la scène : six grands et secs Indiens habillés en chemises et pantalons pattes d’éléphant dansent, concentrés et passionnés, les bras tournés vers le ciel, se bombant le torse et tapant des pieds chaque rythme d’une chanson de bollywood. François et moi, séparés dans la salle, nous cherchons du regard. Je me mordille les lèvres, sentant que le fou rire me gagne !

Puis le pasteur prend la parole pour une longue allocution. Plus il parle, plus il s’enflamme. Les enfants attendent sagement la fin du sermon qui annoncera le début du repas. Les femmes agenouillées derrière moi prient avec dévotion (dévotion pour quel(s) dieu(x), ça c’est une autre histoire !).

Alléluia ! , scande à plusieurs reprises le pasteur au milieu de deux envolées.

Alléluia !! répond docilement la foule…

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En face de moi, une jeune fille qui me semble plus démunie que ses consœurs (à en juger notamment par son habillement) peine à ne pas se retourner constamment pour me regarder. Feignant un geste involontaire, elle dépose délicatement, à plusieurs reprises, ses mains sur mes pieds. A côté de moi, une fillette atteinte de trisomie s’amuse à m’interpeller (à coups de tapes sur les cuisses!) en me chuchotant à l’oreille : Alléluia !! Elle n’arrête que lorsque je consens à lui répondre par la pareille. Sous le tendre regard de sa mère, nous nous amuserons à ce petit jeu jusqu’au repas.

Après 4 heures agenouillés, nous peinons à nous relever tant nos genoux sont raides. Plus dur qu’une journée de vélo ! On passe à table : poulet et montagne de riz à déguster avec les doigts, manger avec ma main droite sans m’échapper la moitié du plat sur les genoux va encore être un défi!

Puis, séance photo et discussion avec les jeunes garçons, dégourdis et plein d’énergie. En demandant à Prabu, 11 ans, ce que signifie l’amulette qu’il porte au cou, celui-ci, après avoir hésité l’instant d’une demi-seconde, balance prestement celle-ci vers l’arrière de sa chemise de façon à ce que je ne vois que la corde du collier. Le pasteur nous avouera lui-même sans détour que la plupart des personnes présentes ne sont pas chrétiennes mais plutôt hindoues, venues profiter d’une occasion pour célébrer et manger du poulet . Pour un bon repas, on peut bien « r’virer sa chemise de bord » ! Shiva et Jésus réunis sous un même toit. Le jeune Prabu, lui, a préféré ne pas s’en vanter devant deux blancs le jour de Noël !! Petit futé…

Nous repartons le lendemain encore éblouis par ce Noël hors du commun, le ventre bien plein (le pasteur et sa femme nous font découvrir plusieurs nouveaux plats typiques de l’Etat du Karnataka) et munis d’une Bible et d’un cadre arborant une citation biblique !

En route vers Mysore, où nous voulons passer le nouvel an, nous faisons un arrêt à Sravanabelagola pour admirer la statue de la divinité du  janaïsme Bahubali. On raconte que Bahubali, renonçant à son royaume pour le laisser à son frère, préférera choisir une vie d’ascète et méditera jusqu’à l’illumination. Tous les douze ans, des millions de pèlerins se déplacent pour assister à une cérémonie au cours de laquelle la statue est aspergée de litres de lait, poudre ; pierres précieuses, etc. George le pasteur fustigera cette pratique, qu’il associe avec un gaspillage de ressources dont les habitants, dit-il, ont grandement besoin.

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